Une nuit sur le mont Chauve (arr. Rimsky-Korsakov)
Modeste MOUSSORGSKI (1839-1881)
Le poème symphonique Une nuit sur le Mont-Chauve, pièce courte d’une dizaine de minutes, a été composé durant l’été 1867, lors d’un séjour du compositeur dans la maison de son frère à Minkino. Moussorgski n’était pas intéressé par la musique d’orchestre. On ne compte, en dehors de cette Nuit, qu’un Scherzo (1858), une Marche nocturne (1861) et un Intermezzo in modo classico (1867). Son oeuvre symphonique la plus connue, les Tableaux d’une exposition, n’est en réalité qu’une réorchestration de Maurice Ravel à partir d’une série de pièces pour piano. Les musicologues ont longtemps débattu de l’origine de cette oeuvre. Il semblerait que c’est une pièce de théâtre de l’un de ses camarades d’armée, Georgy Mengden, la Sorcière, et l’audition de la Danse Macabre de Franz Liszt, qui auraient donné à Moussorgski l’idée d’écrire un choral traitant d’un sabbat. Il s’inspira également de la légende populaire e la nuit de la Saint-Jean. Au cours de cette nuit, les paysans de Petite Russie plaçaient à leur fenêtre des orties pour chasser la sorcière Baba-Yaga et ses consoeurs qui célébraient le diable en dansant le sabbat sur le Mont-Chauve (près de Kiev).
Entre 1860 et 1864, il composa deux premières versions qui ne le satisfirent pas. Aussi créa-t-il une troisième version en 1867 (qu’il aurait composée en douze jours), qu’il intitula Une Nuit de la Saint-Jean sur le Mont-Chauve. Moussorgski considéra cette troisième version comme définitive : « je crois que cela correspond bien au caractère du sabbat, qui est tout en cris et en appels dispersés, jusqu’au moment où la racaille diabolique se mélange dans une confusion totale ». Pourtant, elle ne fut jamais jouée de son vivant probablement en raison des critiques qu’émit à son égard le très influent Balakirev. Il réutilisa la matière orchestrale pour composer en 1880 l’intermezzo final du deuxième acte d’un opéra resté inachevé, La Foire de Sorochintsky, d’après une nouvelle de Gogol (La Nuit de la Saint-Jean). Rimski-Korsakov, qui se chargea de l’édition des oeuvres posthumes de Moussorgski, décida de « corriger » et d’« améliorer » toutes les partitions du compositeur qu’il trouva (c’est à cette période qu’il effectua notamment la fameuse réorchestration de l’opéra Boris Godounov). Il créa ainsi en 1908 une nouvelle version d’Une Nuit sur le Mont-Chauve – le titre est de Rimsky-Korsakov. Ce dernier transforma en profondeur la partition : il modifia le déroulement mélodique, « normalisa » l’harmonie et supprima toutes les références trop visibles à la musique traditionnelle russe. Par ailleurs, il remania intégralement l’épisode final, pour lui donner un caractère beaucoup plus apaisé.
Concerto pour violoncelle en si mineur, op. 104
Antonín DVORÁK (1841-1904)
Passionné par la musique concertante, Antonín Dvořák composa notamment un Concerto pour piano (1876), un Concerto pour violon (1880), ainsi que des pièces courtes comme la Romance pour violon et orchestre ou le Rondo pour violoncelle et orchestre. Pourtant, on ne retient souvent que son second Concerto pour violoncelle en si mineur (le premier, créé en 1865, ne fut pas orchestré par le compositeur). Cette oeuvre s’est en effet rapidement imposée dans le Grand Répertoire concertant, et figure très régulièrement dans les programmes de concert à travers le monde. En 1895, date de la création de l’oeuvre, Dvořák était à l’apogée de sa carrière. Très connu du grand public et respecté par ses pairs, il avait été appelé trois ans plus tôt pour diriger le prestigieux Conservatoire de New-York. Pourtant, le mal du pays le poussa à démissionner quelques semaines avant la composition de ce Concerto pour violoncelle n°2.
C’est donc la dernière « oeuvre américaine » du compositeur. Cette période fut très fertile puisqu’elle vit naître trois de ses oeuvres les plus célèbres : la Symphonie n°9 « du nouveau monde », le Quatuor n°12 « américain » et ce Concerto pour violoncelle n°2. En écoutant le Concerto pour violoncelle n° 2 du compositeur irlandais Victor Herbert, il décida de réaliser une oeuvre similaire. Dvořák composa rapidement la partition, au cours de l’hiver 1895, qu’il dédia à son ami pragois, le violoncelliste Hanuš Wihan. Cependant, un différend éclata entre les deux hommes peu avant la Première : le violoncelliste souhaitait rajouter une cadence au dernier mouvement, ce que Dvořák refusait obstinément. Ainsi, ce dernier écrivit à son éditeur : « Il n’y a pas de cadence dans le dernier mouvement, que ce soit dans la partition ou dans l’arrangement pour piano. C’est immédiatement ce que j’ai dit à Wihan quand il me l’a montrée ; il est impossible d’ajouter un tel passage. […] C’était mon idée et je ne peux m’en détacher ». Aussi la Première eut-elle lieu le 19 mars 1896 à Londres avec Leo Stern en soliste, et l’Orchestre de la Société Philharmonique sous la direction du compositeur.
Oratorio de Noel, BWV 248
Jean-Sébastien BACH (1685-1750)
Les cantates de l’Oratorio de Noël ont été composées par Bach pour les fêtes de Noël de l’année 1734 et pour les fêtes du Jour de l’An 1735 à Leipzig. Avant de présenter chacune des cantates, il est important de les resituer dans leur contexte, d’expliquer les formes musicales qu’elles suivent et leur finalité. À l’origine, l’appellation « cantate » servait à désigner une suite de morceaux de musique profane. Quand il s’agissait de musique religieuse, le terme corpus était privilégié. Il regroupait dans l’Église réformée les morceaux qui accompagnaient le culte liturgique : l’aria, l’arioso, le choral, le choeur et le recitativo. Les paroles, écrites par des librettistes, étaient tirées des Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament, des cantiques, ou paraphrasaient les textes sacrés. Les cantates étaient assimilées à de la musique « figurée ». Elles étaient jouées les dimanches du calendrier liturgique protestant, à l’exception de l’Avent et du Carême. Noël donnait lieu à trois jours de liturgie. Le Jour de l’An (correspondant à la Circoncision) et l’Épiphanie (arrivée des Rois Mages à Bethléem) étaient fêtés sur deux jours. Pour le fidèle de l’époque, elles représentaient tant un sermon expliquant les textes de la liturgie qu’une prière permettant de rendre grâce à Dieu, comme les cantiques.
Les compositions étaient certes inspirées de textes à mettre en musique mais elles répondaient aussi aux canons de l’époque en matière d’imagerie musicale. Puisque le fidèle ne savait généralement pas lire, pendant l’époque baroque, un code s’était peu à peu mis en place. Par exemple, la hauteur des sons correspondait à l’Enfer, à la Terre et au Ciel (Paradis). Les variations mettaient en scène les mouvements des âmes entre l’abaissement et l’élévation. En général, les cantates commencent et se terminent par des choeurs servant de cadre à deux couples récitatif - aria. À ce schéma théorique, Bach ajoute des sinfonias – morceaux instrumentaux purs – et des chorals. Pour composer les six cantates de l’Oratorio, Bach a emprunté des mélodies aux quelques 200 cantates sacrées qui constituent le « Cantor de Leipzig », et à ses compositions de musique instrumentale profane. Les rythmes de danse (bourrée, gigue, gavotte, sicilienne, sarabande, berceuses…) qui apparaissent dans la musique sacrée baroque ne sont pas uniquement des parodies de musique profane. Ils sont généralement introduits pour créer une harmonie entre la catharsis de l’âme et celle du corps, une danse spirituelle aidant à se libérer de ses pêchés.
Notes de programme de concert mises à jour le vendredi 29 octobre 2010 à 15:19