Gloria in excelsis Deo, HWV deest
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
Le Gloria in excelsis Deo (HWV deest; "deest" en latin signifie manquant comme l’était cet opus dans le catalogue des oeuvres du compositeur le Händel-Werke-Verzeichnis) est une pièce composée de sept mouvements pour soprano solo, deux violons et basse continue. La partition a été retrouvé à la fin des années quatre-vingt-dix dans la bibliothèque de la Royal Academy of Music de Londres et authentifiée par le professeur Hans Joachim Marx de l’université de Hambourg. Le manuscrit n’appartenait pas au fond légué par le compositeur, mais se trouvait au milieu d’une collection d’arias que possédait le chanteur William Savage et légué à l’académie par son élève R.J.S Stevens à sa mort en 1837.
Un nombre concordant d’éléments factuels concourt à attribuer la paternité de cette pièce à Haendel. On retrouve ainsi dans le Gloria plusieurs références à d’anciennes pièces du compositeur, notamment dans le Quonian tu solus sanctus (sixième mouvement), dont les premières mesures reproduisent presque à l'identique un ritornello (un refrain) rencontré au début du psaume Laudate Pueri. D’autres empreints à des oeuvres de Haendel renforcent la thèse lui attribuant la paternité du Gloria, considéré dans un premier temps d’origine incertaine.
Des musicologues ont établi que Haendel a écrit plusieurs autres pièces reprenant ce même effectif spécifique pour soprano solo, deux violons et basse continue à l’occasion d’un concert donné au Castello di Vignanello, situé à une soixantaine de kilomètres de Rome. Le Marquis Francesco Mari Rusopli, l’un des mécènes de Haendel, avait le 13 juin 1707 fait appel à des peintres ainsi qu’au jeune compositeur pour célébrer le quatre cent soixante quinzième anniversaire de la canonisation de Saint- Antoine, en lui dédiant de nouvelles oeuvres d’art. Des trois pièces composées pour cette occasion, toutes exigeaient les talents d’une soprano virtuose, talent qu'il trouva en la personne de Margherita Durastanti. Tout en subtilité musicale, ces oeuvres sont étroitement associées à la mise en valeur du texte et rehaussés d’une multitude de détails charmants que l’on trouve en abondance dans les oeuvres de jeunesse de Haendel.
Le Messie, HWV 56
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
En 1741, Haendel est au faîte de son art et ses opéras à l’italienne lui ont acquis les faveurs du public londonien. Pourtant, éprouvé par deux banqueroutes successives, endetté et malade, sa passion pour l’opéra lui a laissé un goût amer et ses compositions explorent depuis quelques années la veine de l’oratorio (il en compose un par an entre 1736 et 1751), un drame non mis en scène, employant les mêmes éléments musicodramatiques que l’opéra (récitatif, arioso, aria, ensemble soliste, choeur et personnifications dramatiques) mais sans l’artifice des décors, des costumes et des déplacements sur scène.
Cet été là, il séjourne à Gopsall Hall dans le Leicestershire, la résidence secondaire de Charles Jennens, figure littéraire de son temps, amateur de musique et adepte fervent de la Haute Église anglicane, qui nourrit un grand intérêt pour la théologie, comme l’atteste l’imposante collection de livres sur le messianisme que renferme sa bibliothèque. Inspiré par les textes de l’Ancien Testament (tiré pour l’essentiel de la version anglaise de la Bible autorisée en 1611 des livres d’Isaiah, de Luc, de Matthieu, de Jean et de Job), Jennens a compilé un livret extrêmement riche, offrant un cadre de méditation qui évoque toute la vie et l’oeuvre du Christ : les prophéties de Sa venue ; Sa naissance et l’allégresse qui l’a accompagnée ; Sa vie ; la Passion ; la Résurrection ; et l’espoir de Son retour. Le mot Messie vient de l'hébreu mashia'h et trouve son origine dans la religion juive avant d'avoir été adopté par le christianisme. Il signifie “oint du Seigneur”. Pour les chrétiens, il désigne Jésus-Christ. Illustrant l’ensemble des mystères de la foi chrétienne, ce livret magnifie la doctrine selon laquelle Jésus Christ est bien Le Messie annoncé par le prophète.
Jennens confie son livret à son hôte, qui en moins de vingt-quatre jours en tire un oratorio lumineux, alternant fugues et passages déclamatoires accompagnés de parties pour cordes écrites dans un style rappelant le concerto. Brillantes et abondantes, les parties pour choeur vont de textures simples et homophones à différentes formes de compositions mêlées alliant fugues et imitations. La pièce ne fait appel qu’à des chanteurs et des choeurs anonymes. Aucun personnage n’est représenté, pas même le Christ, dont aucune des paroles n’est citée.
Travaillant vite comme à son habitude (Theodora a été composé en cinq semaines et Tamerlano en vint jours), Haendel a puisé librement dans ses oeuvres antérieures comme nombre de ses contemporains tels que Telemann ou Rameau. L'importance de sa production va de pair avec une réutilisation fréquente de ses thèmes les plus réussis, qu'il n'est pas rare de retrouver parfois à l'identique dans plusieurs oeuvres, éventuellement transcrits ou transposés… Le même thème peut passer d'une sonate en trio à un concerto grosso, à un concerto pour orgue, à une cantate. Il n'hésite pas, par ailleurs, à utiliser des thèmes d'autres compositeurs tels que François Couperin, Georg Muffat, Johann Kuhnau, Johann Kaspar Kerll entre autres. Cette pratique courante à cette époque est également utilisée par Bach. Pourtant, Le Messie lui ne sera jamais “pillé” de la sorte dans les oeuvres postérieures du compositeur.
Remaniée à plusieurs reprises pour s’adapter aux circonstances d’exécution et aux capacités des musiciens, la partition subsiste encore aujourd’hui en différentes versions. Néanmoins les parties pour choeur que vous allez entendre ce soir sont l’unique version existante. À l’instar des autres oratorios de Handel, Le Messie est divisé en trois parties :- Ancien Testament : les prophéties de l'arrivée du Christ, de l'Annonciation et de la Nativité.
- Ancien et Nouveau Testaments : la Passion, la Résurrection et l'Ascension du Christ.
- Nouveau Testament : la Résurrection de l'âme chrétienne.
Composée pour être donnée pendant la période du Carême, la première du Messie a lieu le printemps suivant sa composition en Irlande, où Haendel séjourne à l’invitation du Lord Lieutenant Général, le 13 avril 1742 lors d'un gala de charité au Temple Bar de Dublin. L’oratorio y rencontre un vif succès. L'innovation de Haendel est de mettre à la disposition de la prédication le ressort dramatique et musical de l'opéra. Bien que considéré comme un “oratorio sacré”, Le Messie est résolument sorti de l'église et destiné également à la scène. Le renversement opéré par Haendel lui permet d'atteindre une dimension nouvelle par une large amplification théâtrale, qui laisse libre cours à sa volonté de chercher un succès auprès de l'auditoire. Autre nouveauté pour l’époque la partition accorde un rôle beaucoup plus important au choeur (vingt mouvements sur les cinquante- deux que comptent l’oeuvre).
Notes :- Stefan ZWEIG, La résurrection de Georges-Frédéric Haendel, extrait du recueil Les heures étoilées de l’humanité, Paris, Grasset, 1939. Traduit de l’allemand par Alzir Hella.
Notes de programme de concert mises à jour le mercredi 27 octobre 2010 à 14:10