Les Tableaux d'une exposition
Modeste MOUSSORGSKI (1839-1881)
Moussorgski était très lié à la plupart des artistes et des penseurs passionnés par la tradition populaire, et notamment au peintre - architecte - décorateur Victor Hartmann. Un an après la mort de ce dernier, en 1873, le critique d’art Vladimir Stassov, grand ami des deux artistes, organisa une exposition commémorative présentant des esquisses, des tableaux, des aquarelles, et différents plans d’architecture, de joaillerie et d’artisanat de Hartmann. Moussorgski se décida à composer une série de pièces mettant en musique dix peintures qu’il avait admirées au cours de l’exposition. Contrairement à son habitude, il composa très vite son cycle : il lui fallut moins de deux mois pour remettre le manuscrit définitif, en juillet 1874. « Hartmann bouillonne en moi comme le fit Boris [Godounov] : je peux à peine aller assez vite pour gribouiller sur le papier ; les sons et les idées sont suspendus dans les airs », écrivit-il à Stassov (à qui il dédia son oeuvre, « en mémoire de notre cher Victor »). Cependant, l’oeuvre ne fut éditée qu’en 1886, cinq ans après sa mort. Rimski- Korsakov, responsable de cette première édition, prit de nombreuses libertés en supprimant ou recomposant plusieurs passages.
La partition originale reste aujourd’hui encore introuvable et les éditeurs ont dû s’accorder sur une version consensuelle. Preuve de la force de l’oeuvre, on compte vingt-quatre orchestrations différentes et une cinquantaine de reprises pour formations diverses des Tableaux (certaines très originales : une version à la guitare électrique solo, une autre par un groupe de saxophones, une troisième pour choeur, soliste vocal, synthétiseur, cuivres et percussions, etc.). La plus célèbre des orchestrations est celle que la Formation Symphonique interprétera ce soir. Elle a été composée par Maurice Ravel en 1922 à la demande du chef d’orchestre russo-américain Serge Koussevitzky. Moussorgski eut une grande influence sur Ravel. Celui-ci avoua notamment s’être inspiré des Enfantines pour l’Enfant et les sortilèges et du Mariage pour l’Heure Espagnole. Par ailleurs, il travailla en collaboration avec Stravinsky sur une nouvelle version de La Khovantchina. L’oeuvre, comparable à un cycle de mélodies, est constituée de dix pièces de caractère, entrecoupées de préludes intitulés « promenades », symbolisant la déambulation du visiteur entre chaque tableau. Il écrivit ainsi à son ami Stassov : « indécis, je me dirige tantôt à gauche, tantôt à droite ; tantôt je me précipite sur un tableau ». Il est étonnant de noter que Moussorgski, qui admirait justement Hartmann pour son sens du caractère russe et son amour de l’art populaire, a choisi des sujets étrangers pour six de ses dix tableaux.
Carmina Burana
Carl ORFF (1895-1982)
Carmina Burana, cantate scénique composée par Carl Orff entre 1935 et 1936, est surtout connue pour son premier et dernier mouvement « O Fortuna » qui est souvent utilisé comme musique de films épiques. La simplicité de la polyphonie et de la structure rythmique de l’oeuvre contraste avec les oeuvres de ses contemporains, tels Bartók ou Stravinsky, et lui confère son originalité. Le nom complet latin que Carl Orff attribua à son oeuvre est: Carmina Burana : Cantiones profanae cantoribus et choris cantandae comitantibus instrumentis atque imaginibus magicis pouvant être traduit par « Chansons de Beuern : Chansons profanes pour chanteurs et choeurs devant être chantées avec instruments et images magiques. » Carmina Burana est la première partie d’une trilogie nommée Trionfi, dédiée à la mise en musique de poèmes médiévaux allemands. Les deux autres parties du triptyque sont intitulées Catulli carmina et Trionfo di Afrodite. Le livret de l’oeuvre est fondé sur la sélection et l’organisation de poèmes tirés d’un recueil médiéval appelé Carmina Burana. Le nom du manuscrit fait référence à l’abbaye de Benediktbeuern, site sur lequel il a été découvert en 1803.
Il s’agit d’une compilation de chants profanes ou religieux, notés partiellement en neumes – signes musicaux utilisés couramment au Moyen-Âge et qui servent encore aujourd’hui pour lire le chant grégorien. Les Carmina Burana furent composés entre 1225 et 1250 en allemand, en ancien français et en latin par des moines défroqués, aussi appelés goliards, et par des étudiants vagabonds. Outre quelques chansons religieuses, plusieurs thèmes sont développés dans le manuscrit : l’amour, l’ivresse, la luxure, la vanité de la fortune… Carl Orff découvrit les poèmes de Carmina Burana lorsqu’il s’intéressa au recueil de John Addington Symond publié en 1884. Wine, Women and Songs proposait une compilation de poèmes médiévaux traduits en langue anglaise. Par la suite, aidé de Michel Hofmann jeune étudiant en droit, latiniste et helléniste, il détermina les 24 poèmes qui servirent à la composition de l’oeuvre.
Notes de programme de concert mises à jour le vendredi 26 novembre 2010 à 14:28