La Passion selon Saint Jean, BWV 245
Jean-Sébastien BACH (1685-1750)
Lorsque Jean-Sébastien Bach arrive à Leipzig en 1723, à l'âge de trente-huit ans, c'est déjà en artiste et compositeur accompli qu'il prend le poste de “Kapellmeister” de la Thomaskirche. Il y restera jusqu'à sa mort en 1750. L'école de l'église St-Thomas dont il a la charge a une longue tradition de formation musicale. Elle doit pourvoir les quatre églises de la ville en choristes. La période de Leipzig sera pour Bach, la plus féconde dans sa production liturgique. La presque totalité de ses cantates, ses passions, ses oratorios, ses magnificat datent de cette époque. Il y compose aussi énormément pour l'orgue, son instrument de prédilection.
Ce compositeur aux talents sans limites n'a pourtant laissé aucune production dans un genre pourtant très prisé à l'époque : l'opéra. La vingtaine de compositions vocales profanes qui nous sont parvenues nous laissent entrevoir toutes les possibilités qu'aurait pu développer Bach dans cet art de l'opéra. Mais il ne l'a pas pu. Et pour cause, c'est par contrat qu'il s'est engagé à ne s'en tenir qu'à des compositions non théâtrales. Il saura contourner cette interdiction en exprimant ses capacités théâtrales dans ses Passions.
La “Passion", passage de l'évangile qui relate la Passion du Christ, est mis en musique dans toute l'Europe dès le Xe siècle. À l'occasion de la Semaine Sainte, des représentations exceptionnelles ont pour but d'attiser la ferveur populaire. La représentation de la Passion a en général lieu le Vendredi Saint. On propose ainsi une représentation quasi théâtrale en utilisant des chanteurs solistes caractérisés, sans toutefois aller jusqu'à les costumer et user de décors. Au début les seuls personnages représentés sont le Christ, l'Evangéliste et la “turba “, foule qui est chantée par la maîtrise de l'église.
Lors de la réforme luthérienne la tradition perdure mais en langue allemande. La forme évolue avec l'introduction de chorals en introduction, en intermèdes et en conclusion, puis des arias s'y intègrent pour sceller la forme oratoriopassion. En général, les Passions se découpaient en deux parties, afin d'encadrer le sermon du prédicateur. Le texte des Passions s'éloigne parfois de la stricte lecture des Evangiles, pour intégrer des textes poétiques contemporains ou plus anciens propices à la méditation et même des textes d'autres Evangiles.
On suppose que Bach a écrit quatre Passions, une pour chaque évangile bien que deux d'entre elles seulement nous soient parvenues en totalité : la Passion selon St-Jean et la Passion selon St-Matthieu. De la passion selon St-Marc, un seul mouvement nous est parvenu. Quant à sa Passion selon St-Luc elle est perdue, et la version que l'on entend parfois est d'authenticité plus que douteuse. De ses quatre Passions, la Passion selon St-Jean est probablement la première, écrite dès 1724, donc peu après son installation à Leipzig. La Passion selon St-Matthieu suivra de peu en 1727.
Il existe quatre versions de la passion selon St Jean de J.S. Bach. Depuis la Réforme, la ville de Leipzig avait coutume de donner le vendredi saint la Passion selon Saint Jean dans la seule église Saint-Nicolas pour les services du matin. Les textes évangéliques se parèrent peu à peu d'interventions chorales qui, pour représenter la foule, harmonisaient le cantus firmus.
En 1717, les autorités de Leipzig permirent d'exécuter une passion-oratorio de style polyphonique lors de la liturgie des vêpres, soit l'après-midi, du Vendredi Saint. Cet oratorio de la Passion devait être chanté en deux parties, encadrant un long sermon du prédicateur. Le texte de l'oratorio devait mêler le récit évangélique et des commentaires méditatifs. Plusieurs poètes proposèrent des livrets susceptibles d'être mis en musique pour ces cérémonies. L'un des plus célèbres était alors Der für die Sünde gemarterte und sterbende Jesus (Jésus, qui a souffert et est mort pour nos péchés) de B. H. Brockes qui servira de base au texte de la Passion selon St Jean de Bach.
À partir de 1721, l'habitude fut alors prise avec le prédécesseur de Bach, Johann Kuhnau, de donner une passion entièrement mise en musique, chaque année, alternativement dans l'une des deux principales églises de la ville : Saint-Thomas, église dans laquelle Bach occupera le poste de maître de chapelle, ou Saint Nicolas. Tout juste nommé, J.S. Bach doit donc présenter une passion-oratorio, et c'est à Saint-Nicolas, le Vendredi Saint 7 avril 1724, lors des Vêpres, que la Passion selon Saint Jean fût donc donnée pour la première fois. L'année suivante, 1725, Bach la repris et la transforma assez profondément, ajoutant en particulier des mouvements fondés sur des chorals luthériens. Bach dirigea une troisième exécution de la Passion selon Saint Jean vers 1730, retournant alors à la version initiale. La quatrième et dernière, initialement prévue en 1739, fut donnée vers 1746-1747.
Notes de programme de concert mises à jour le mercredi 27 octobre 2010 à 15:35